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Evaluer les bénéfices/risques d’un exosquelette : application dans le secteur du BTP

5 mai 2021

Contexte et enjeu

 L’objectif de cette étude est d’évaluer de manière objective un exosquelette sur une activité de rénovation de façade (activité de découpe de corniche en pierre). Le principe retenu repose sur la comparaison entre l’activité manuelle de découpe et cette même activité réalisée avec l’exosquelette. L’analyse comparative des données de séquences similaires de travail permet de déterminer le rapport Bénéfices/Risques. 

 

 L’activité de rénovation de façade est une activité physique soumise à un risque notable d’apparition de TMS (Troubles Musculo-Squelettiques). Cette activité est contraignante pour l’ensemble du corps car, elle sollicite tous les segments corporels et impose des postures à risque pour les compagnons. 

 

Un test a été réalisé sur deux compagnons afin d’obtenir des données objectives avec les équipements suivants : 6 capteurs Motion (permettant la mesure angulaire et posturale), d’un capteur ECG (permettant la mesure de la fréquence cardiaque), un caméscope et du logiciel CAPTIV. 

Illustration de l’utilisation initiale (sans l’exosquelette)
Illustration de l’utilisation avec l’exosquelette

Méthodologie mise en oeuvre

Cette étude s’est déroulée au musée du Louvre à Paris. Une heure de mesures a été réalisée avec l’exosquelette et une heure sans, afin de pouvoir effectuer des comparaisons sur une même durée d’utilisation et une même activité. 

 L’hypothèse est que les situations de travail observées avec et sans l’exosquelette sont représentatives de l’activité du compagnon. 

Des enregistrements de l’activité posturale ont été réalisés pour le dos, les épaules et les coudes.

Les indicateurs extraits, pour chaque angle articulaire (posture), sont : 

  • La donnée angulaire moyenne par rapport au seuil « non recommandée » zone orange (en °). 
  • La donnée angulaire moyenne par rapport au seuil de « pénibilité » zone rouge (en °).

 

Des enregistrements de la fréquence cardiaque (FC) ont été réalisés en continu pendant les séquences de travail avec et sans l’exosquelette.

Ces résultats ont été couplés à une échelle de Borg, permettant de recueillir de manière subjective le ressenti des compagnons pendant les activités de travail.

Echelle de Borg

Le système CAPTIV a été utilisé pour enregistrer les mesures issues des capteurs qui ont été synchronisés avec les prises de vidéos. L’association de l’image et des mesures a permis une analyse plus approfondie des différentes données biomécaniques et physiologiques.

Représentation avatar CAPTIV
Courbes associées à l’utilisation de l’exosquelette sur une période de 5 minutes

Résultats

Analyse posturale

Les graphiques ci-dessous présentent une comparaison des sollicitations posturales du dos (au niveau du mouvement de la rotation) avec et sans le port de l’exosquelette. 

Graphiques comparatifs de la rotation du dos avec et sans exosquelette

L’alignement du dos du compagnon est plus dans l’axe avec le port de l’exosquelette. 

Analyse cardiaque

Quant à l’effort cardiaque, les résultats montrent une différence positive avec le port de l’exosquelette. 

L’astreinte cardiaque des compagnons est plus faible lorsque ceux-ci utilisent l’exosquelette. 

 Ces résultats de fréquence cardiaque ont été associés à l’échelle de Borg. Selon les compagnons, l’activité de découpe de corniche sans exosquelette est jugée à 6 (sur 10) ce qui est symbolique d’une tâche « dure ». Tandis qu’avec l’utilisation de l’exosquelette, le ressenti tombe a 3 (sur 10) ce qui symbolique d’une tâche « modérée ». 


Le port de l’exosquelette, lors d’une activité de découpe de corniche, apporte plus de bénéfices que de risques. Toutefois, il faut faire attention au déplacement possible du risque sur d’autres articulations. 

Conclusion

L’ensemble des capteurs mis en oeuvre couplé à la vidéo ont permis d’évaluer l’activité du compagnon avec et sans le port de l’exosquelette. Les capteurs sont suffisamment robustes pour permettre une répétitivité des essais sur le terrain et avec de nombreux compagnons. Les données biomécaniques et physiologiques ainsi enregistrées sont représentatives de situations réelles d’activités. 

Les données des capteurs ont permis une comparaison objective et fiable des deux situations de travail. Cette étude a permis de définir le rapport Bénéfices/Risques en comparant l’utilisation de l’exosquelette à la situation initiale. 

Au niveau postural, l’utilisation de l’exosquelette présente pour certaines articulations, notamment le dos, des bénéfices. Cependant, il est possible de constater une dégradation sur d’autres articulations, laissant suggérer un éventuel déplacement du risque avec l’exosquelette.

ouVERTURE

Il convient de relativiser les résultats actuels quant à l’apport de l’utilisation de l’exosquelette : 

  • L’étude a été réalisée sur deux compagnons ; 
  • Les différences angulaires en zones non-acceptables et pénibles ne permettent pas de conclure de manière exhaustive.

Pour valider les premiers résultats, il est nécessaire de réaliser des mesures supplémentaires sur plusieurs compagnons afin : 

  • D’être plus représentatif ; 
  • De comparer les morphologies et les savoir-faire des compagnons lors de l’utilisation de l’exosquelette;
  • D’intégrer plus complètement aux résultats le ressenti des compagnons vis-à-vis de l’exosquelette.

 

D’autres prestations ont été réalisées entre l’OPPBTP et la société TEA sur les exosquelettes. C’est une thématique pour laquelle il est nécessaire d’objectiver par des mesures précises l’apport de l’usage d’un exosquelette, des observations « simples » d’un(e) ergonome ou le ressenti des opérateurs n’étant pas suffisant.